“J’adore tout ce qui est frit. Au point que je pourrais frire ma chaussure et la manger.”
Charlize Theron
Calme-toi Charlize, et laisse-nous faire l’intro aux téléspectateurs.
Car après cette trêve hivernale, nous revoici pour un nouveau numéro de joie de vivre culinaire.
Tu as fait des excès pendant les fêtes ? Tu souhaites appliquer le Dry January à ton alimentation ?
Ça tombe bien, parce qu’on a absolument pas prévu ce type de programme.
Tu peux ajouter des légumes à notre invitée du jour, mais je ne suis pas sûre que ça arrange malgré tout tes affaires 😅.
Parce qu’en fait notre bouillon détox est un peu épais et a des reflets dorés, elle ne fume mais préfère buller….et avec elle, c’est souvent une histoire compliquée à base de je t’aime, moi non plus. Une idée peut être ?
On se croirait à question pour un campione, je vais arrêter de faire mon Juju Lepers, et je lève le voile sur le thème du mois : la friture.

Fry like an egyptian 🎵 🎵
La maternité de la friture est souvent attribué aux Egyptiens.
Mais il semblerait que ce soit finalement aux Chinois que revient cette invention. Pour preuve, l’ustensile central de leur cuisine, le wok ainsi que bon nombre de leur recettes tels que le riz frit et les nouilles sautées. Cette technique fut ensuite reprise par les Perses, qui furent à leur tour imités par les Arabes.
Et là tu te doutes de la suite : elle fut introduite en Europe via la Sicile et l’Espagne grâce à l’influence arabe.
La littérature de l’époque romaine fait également référence à ce mode de cuisson. Le liquide utilisé pouvait être varié : miel, vin, vinaigre, eau,…Cependant, la friture évoquée serait en fait plutôt une torréfaction des aliments.
Et justement, en Italie, qu’utilise-t-on pour la friture ?
Essentiellement huile (olive, arachide ou tournesol) et saindoux. Le saindoux également appelé le gras des pauvres, car peu cher à produire, était beaucoup utilisé dans les régions du centre de l’Italie. Il prit également beaucoup d’ampleur dans d’autres régions italiennes pendant la période d’après guerre.
Pour ma part, je n’ai jamais été une grande fan de friture, entre l’odeur et ce goût prononcé d’huile, je n’en cuisinais pas, et j’en mangeais encore moins. Mais l’été dernier, j’ai eu une révélation, qui a abouti sur une demande un peu particulière comme cadeau d’anniversaire : avoir une friteuse.
Raison évoquée : je sens que sans friteuse je suis bloquée dans mon exploration de la cuisine italienne…J’ai dû insister pour dire que ce n’était pas une blague devant mes proches incrédules face à ce revirement soudain de position 😅 Eh oui, il n’est jamais trop tard pour changer d’avis.
Pourquoi frire les aliments ?
Et pour mieux comprendre la place de la friture dans la cuisine italienne, le plus simple est d’explorer les différentes raisons qui ont amené à utiliser ce mode de cuisson :
– 1ère raison : pour permettre de nourrir le + grand nombre de personnes à faible coût.
C’est par exemple le cas de bons nombres de spécialités de Carnaval et cela remonte à l’époque Romaine. Un peu de farine, un peu d’oeufs, et bam dans la graisse de porc (le fameux gras du pauvre).
Frappe, fritelle, chiacchiere,... sont issus de cette tradition. On les distribuait dans la rue pendant ces festivités. Cette tradition a perduré dans le temps et dans les régions, c’est pour cela que même les spécialités plus “récentes” sont elles-mêmes frites (castagnole, ravioli dolci fritti, crostoli,…).
– 2ème raison : pour remplacer la cuisson du four à bois.
Et l’exemple le plus parlant est la pizza fritta napolitaine. Il y eut un gros problème de pauvreté et de famine à Naples après la guerre. Beaucoup de fours à pizza furent détruits pendant le combat, ceux qui fit augmenter le prix de l’usage et donc le prix de la pizza (spécialité destinée à l’origine aux classes populaires car peu onéreux).
Pour palier à ça, la pâte à pizza fut donc cuites dans le saindoux car il supporte des températures très élevées. Cette spécialité devint rapidement une spécialité féminine : c’était la femme du pizzaiolo qui s’occupaient de frire la pizza qu’elle vendait ensuite dans la rue pour arrondir les revenus de la famille. La tradition voulait qu’on la mange tout de suite et qu’on la paye 8 jours plus tard, d’où son surnom de “a ogge a otto” (oggi = aujourd’hui, otto = huit)
– 3ème raison : pour recycler les aliments des jours précédents.
Citons en premier, la mozzarella in carrozza, toujours du côté de Naples. Quand la mozzarella n’était plus assez fraiche, elle était mise entre deux tranches de pain et passée à la friture, pour pouvoir la consommer sans tomber malade.
Ou encore les arancini siciliens, qui ne sont rien d’autres que les restes de repas de la veille, roulés en boule dans une panure et cuits à l’huile.
Ou bien la frittata di pasta (“a frittata ‘e maccarune“) napolitaine, qui consiste à réchauffer les pâtes de la veille avec des oeufs et du fromage, que l’on fait frire dans une poêle pour apporter un côté croustillant. Je te rassure, le Nord n’était pas en reste de ce côté.
A Bologne, on trouve le fameux gnocco fritto : pâte à pain des jours précédents que l’on faisait cuire dans l’huile et qu’on garnissait de jambon et fromage. C’était le repas des travailleurs agricoles, facile à transporter et bien calorique pour leur permettre de supporter une journée de dur labeur.
Oui car si aujourd’hui le mot calorique fait peur, avant c’était avant tout une qualité. On essayait par tout les moyens possibles d’enrichir le peu de nourriture que l’on avait, et pour cela la friture était la solution idéale.

Encore un peu de friture pour la route…
Si tu es arrivé-e jusqu’ici, bravo, c’est que tu as la friture dans la peau, le reste devrait donc te plaire.
Dans certaines régions comme les Marches, tu trouveras i cremini : de petits cubes de crème pâtissière frit et servis comme accompagnements des plats.
Ou bien dans les Pouilles, il existe le plat Ciceri e Tria, des pâtes aux pois chiches mais dont la moitié des pâtes doit être frites. C’est un plat d’origine Arabe, préparé traditionnellement le 19 mars pour la Festa di San Giuseppe. Des ingrédients simples, issus de la terre, pour permettre de se nourrir à faible coût.
Ou encore la Scuma sicilienne : nid de spaghetti agrémentés de fromage et de panure, et cuite à l’huile.
Faisons également un petit tour en Emilie – Romagne, avec un bon plat de Tagliatelle Fritte : des tagliatelle sucrées à base de pâtes feuilletées et aromatisées aux agrumes, spécialité de Carnaval.
Petit stop également en Lombardie, avec les Mondeghili, boulettes réalisées à partir de viande déjà cuite des jours précédents, de la mie de pain, de la mortadella, de l’œuf et du fromage.

Et le fritto misto dans tout ça ?
Traduction littérale = mélange de fritures.
Bien connu en France, en général c’est un mélange de poissons et de calamars.
En Italie, il en existe plusieurs variétés selon les régions. En revanche, il est souvent composé de viande et d’abats, notamment en Toscane et dans le Piémont. Je préfère t’éviter quelques surprises sur place 😂😂
Quel talent !