Marco, je l’ai rencontré il y a quelques mois lors d’un salon professionnel. Je ne savais pas grande chose de lui, si c’est la douceur qu’il mettait à nous préparer un expresso et un macchiato. Et puis la magie des réseaux, nous commençons à nous suivre, je rentre dans son univers de vins naturels, de slow coffee, de latte et de cafés de spécialité…Marco, 29 ans, italien de Brescia, a failli être ingénieur, informatique mais est devenu plutôt barista. Aujourd’hui il est en France et il travaille pour Sage, entreprise spécialisée notamment dans les machines à café manuelles et automatiques.
Viens, je t’amène à la rencontre de Marco !

Marco, comment es-tu tombé dans l’amour du café ?
Je me destinais à être ingénieur informatique. Je n’ai pas vraiment bu de café avant de commencer l’université et avoir besoin de me faire de grandes tasses de café moka pour tenir les révisions ! Puis, lors d’un travail d’été chez à Paratico, sur le Lac d’Iseo, mes deux cheffes portaient beaucoup d’importance à la qualité du café. Elles m’ont envoyé me former : et là j’ai bu un café qui m’a chamboulé : peu toasté, un single origin de Panama…Ce barista m’a changé la vie. En 3 mois, j’ai décidé de quitter l’université et de partir m’installer à Londres.
Qu’est-ce qui t’a plu dans le contact avec le café?
Le fait de répéter, inlassablement les mêmes gestes pour améliorer toujours le rendu, c’est quelque chose que je trouve très satisfaisant. Et le fait de goûter beaucoup de choses différentes, de me créer plein de tiroirs de goûts dans mon cerveau, les associer à des souvenirs, à des moments…J’aime beaucoup la sensation de goûter quelque chose qui va automatiquement ouvrir un petit tiroir de souvenirs, de sensations…
J’ai l’impression que tu as une très grandes palette de goûts dans tes tiroirs. Et je sais que tu as par ailleurs une passion pour les vins natures. Comment tu exerces ton palais ? Il me semble que c’est presque un entraînement sportif !
En fait transformer les produits, ça m’a toujours plu. Lorsque je suis arrivé à Londres, je n’avais pas mes repères, je ne connaissais pas les produits anglais, j’ai dû m’adapter, et essayer, j’ai été chamboulé en cuisine. Puis avec les café, tu te rends compte qu’en faisant même le plus petit des changements, cela peut avoir un impact sur le goût de ton café.
A force de goûter, essayer de nouvelles choses : c’est comme ça que tu multiplies tes tiroirs de goûts. Et à force de s’exercer, tu arrives à un certain niveau de connaissances des goûts que tu arrives finalement à vraiment faire des dégustations.
Puis travailler au contrôle qualité d’un torréfacteur m’a vraiment beaucoup aidé : j’ai apprécie comment de petites nuances peuvent changer la qualité du café.
Et au sujet du vin : c’est effectivement intéressant parce que le café vit un peu le parcours que a vécu le vin. On a démarré par des vins très naturels, puis on a rajouté des levures, pour en modifier les goûts et aujourd’hui on revient à des choses naturelles. Pour le café c’est la même chose, mais avec du retard : on est en pleine recherche de nouveaux goûts. Aujourd’hui par exemple on rajoute des levures pendant la fermentation du café pour permettre de développer des nouvelles saveurs. ce qui permet au final d’avoir un café payé plus cher aux producteurs.
Pourquoi as-tu choisi de venir en France après Londres ?
L’une des premières raisons, c’est qu’en France il y a moins l’influence des boissons avec du lait. Le lait est déjà de partout : dans le fromage, les crèmes, les beurres…Les boissons avec du lait n’ont pas encore “explosées” comme à Londres. Et plus globalement sur la culture café, en France on a au moins 5 ans de retard par rapport à Londres, où le marché était déjà saturé.
Et puis en France le style est différent : le premier café se boit à la maison. Il y a une tradition du café filtre, de la moka et aussi un attachement au bon goût, aux bons produits. Il y a des choses à faire !
Entre la France et l’ Italie aussi il y a des différences hein ! En Italie par exemple, pour les expresso, on aime les extractions courtes, les goûts plus amers : tu auras plus ou moins toujours la même quantité de café, quel que soit la tasse (on ne parle pas de qualité du café ici). En France j’ai remarqué qu’au bar, c’est la taille de la tasse qui fait la durée d’extraction du café ! Et du coup c’est un florilège de saveurs…

Mmmmmmhhh. c’est positif donc la dilution ? Je ne comprends pas !
Disons que c’est comme avec le whisky : il y a de vieux whisky auxquels tu peux rajouter un peu d’eau pour leur permettre de s’ouvrir. L’eau va permettre d’ouvrir les palettes aromatiques. Il en va de même avec la café : s’il contient une concentration de goût positifs et complexes, tu pourras découvrir de belles choses, si c’est une concentration de mauvais goûts, la dilution va aussi les révéler !
C’est à ce moment de l’échange où son latte avoine arrive. Il le regarde, je ne sais pas trop si c’est un regard positif ou pas. Je le vois ensuite prendre la tasse de façon ferme et la battre sur la table. Marco que fais-tu ? Il me dit : il y a des bulles d’air. Pour le latte arte, pour juger si la boisson est bien préparée, on regarde les critères suivants : la brillance du lait – ce qui va nous indiquer s’il est bien monté ou pas – la symétrie et le contraste entre le blanc et le marron. Puis, bienveillant, il me dit que le lait d’avoine est le plus difficile à monter, on lui rajoute d’ailleurs la préparation de l’huile pour aider la montée. les explications faites, on reprend notre discussion ! Il goûte, ne dit rien…Et on reprend notre échange !
Tu parles beaucoup de l’extraction du café…est-ce que c’est la technique qui prime sur la qualité des grains de café pour toi ?
Les consommateurs -malheureusement – ne donnent pas beaucoup d’importance à la qualité du café. Nous nous battons tous les jours pour faire comprendre qu’on a pris l’habitude de boire des choses qui ne sont pas bonnes. On est moins exigeants avec des produits qu’on a l’habitude de payer peu. J’explique alors l’importance d’acheter du café en grains, fraîchement moulu…Et puis exercer petit à petit son palais, car une torréfaction artisanale ne signifie pas forcément bon goût ! Aujourd’hui le speciality coffee doit peut-être représenter 5% de la consommation. Et pour répondre à ta question initiale, tu pourras avoir le meilleur grain de café, avec une culture, une belle fermentation si au final tu rates son extraction…Ce serait d’ailleurs intéressant que la dénomination de café de spécialité puisse aller jusqu’au process d’extraction, la terme est peut-être aujourd’hui surutilisé mais il est primordial d’avoir un système qui respecte à la fois les clients et ceux qui produisent et travailler le café !
Marco, nous n’avons pas tous la chance d’avoir un barista à la maison ! Tu nous donnes quelques conseils pour réussir le café ?
Évidemment cela va dépendre de la façon que tu aimes boire ton café. Pour avoir une expérience agréable et riche, je dirais que déjà il faut être intéressé au goût en général et donc d’essayer des choses différentes, tester. Et c’est – je pense – toujours intéressant de dépenser quelques euros pour une courte de formation, pour comprendre le sujet et pouvoir utiliser un peu tous les équipements ! Ce que je dis toujours – et c’est peut-être contre mes intérêts de commercial (rires) – c’est que le café est comme la voiture : si tu ne sais pas conduire, tu ne vas pas conduire une voiture de Formule 1 ! Tu ne boiras pas un meilleur café avec une machine de pointe que tu ne sais utiliser.
Ton plus beau souvenir de café ?
Sans aucun doute cette compétition en Chine. J’ai été invité avec d’autres baristi du monde entier sur une île où il y avait des plantation de café d’un riche homme d’affaires chinois. Puis aussi un expresso préparé à Londres par l’un de mes amis ( note au lecteur : j’avais écrit que cet ami était champion du monde barista. Il m’a corrigé en disant qu’il était juste champion de son cœur). Et peut-être aussi un café filtre bu à Amsterdam qui était super cool.
Mais Marco…le café préparé à la moka italienne, tu le bois toujours ?
Ma certo !!!!!! (oui évidemment !) D’ailleurs je peux conseiller les vidéos de mon ami Matteo d’Ottavio pour réussir la moka !
et j’en profite pour nous renvoyer aussi vers notre article ICI )
Retrouvez Marco sur instagram : @marcobareesta
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